Skopje, de son petit nom romain ‘Scupi’ est la capitale de la Macédoine du Nord depuis 1918. Tout comme Ohrid, elle a appartenu à de nombreux empires (grec, romain, bulgare, byzantin, serbe…) avant de devenir macédonienne ; elle tire donc son patrimoine culturel de nombreuses sources, et ça se voit. Malgré cela, les conflits régionaux, un tremblement de terre et une crise économique en ont fait l’une des capitales les plus pauvres de l’Europe. Afin de redorer son blason et d’afficher une architecture digne de son histoire, le gouvernement a entrepris à la fin des années 2000 de grands travaux d’urbanisme qui ont transformé la ville. Et si le coût des opération a provoqué la colère des locaux, on ne peut nier que le résultat est… monumental.
Personnellement, j’ai beaucoup aimé me balader dans Skopje. C’est le genre de ville que l’on n’oublie pas, avec ses immenses édifices et des centaines de statues. Cependant, je peux tout à fait comprendre la réaction de la population. Dans les années 1990, le pays était déjà au bord de la faillite quand le projet de restructuration a été lancé. Comme 80% de la ville avaient été détruits lors du séisme de 1963, Skopje avait perdu presque tous ses monuments emblématiques et c’était pour les autorités l’occasion de tout refaire en mieux : le théâtre national, la forteresse médiévale, des musées et des palais… pour plus de 200 millions d’euros. Un montant bien élevé pour un pays en grand besoin de nouveaux logements, transports, de travail, où un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Au-delà de la question financière, beaucoup critiquent aussi le caractère nationaliste du projet. Certaines statues représentent des personnages historiques traditionnellement associés à d’autres cultures ou pays. Ainsi, l’immense statue d’Alexandre le Grand installée en plein centre de Skopje a provoqué la colère de la Grèce, et a dû être renommée « statue du guerrier à cheval »…
Les Albanais, qui forment près de 25% de la population, ont également été oublié dans ce grand élan patriotique. Aucun édifice ne leur est dédié : seule quelques statues de poètes et écrivains albanais ont été ajoutées face à la réaction populaire. Bref, il n’est pas étonnant que le parti d’opposition ait accusé le gouvernement de vouloir « réécrire l’histoire du pays » en « l’antiquisant ».
Pourtant, de l’histoire, ce n’est pas ce qui manque à Skopje ! Une des parties de la ville que j’ai préférée est d’ailleurs le Vieux Bazar, le seul quartier à avoir survécu au tremblement de terre. Datant du XIIème siècle, c’est le plus grand bazar des Balkans après Istanbul. En plus des multiples boutiques, on y trouve plusieurs mosquées, églises, hammam, et mon favori : un ancien caravansérail du XVème ! Rien que le nom m’évoque des chevauchées à dos de chameaux… ce qui n’était sans doute pas le cas ici, mais on peut toujours rêver. Grand de 2000m², il comprend 60 salles sur deux niveaux qui sont maintenant occupées par l’Académie des Beaux-Arts.
Un autre édifice intéressant est la maison-mémorial Mère Teresa. Bâtie en 2008 à l’endroit où Mère Teresa fut baptisée, elle comprend un musée qui lui est dédié. C’est l’un des rares que j’ai eu le temps de visiter. Il est tout petit, mais touchant.
On pourrait certainement passer des jours à visiter la ville mais je me suis contentée d’un tour guidé qui m’a amené du Bazar à la forteresse de Skopje, un des symboles de la ville. Si les remparts, massifs, datent du Xème siècle, le site est habité depuis le 4ème millénaire avant J-C. On y a retrouvé des traces de huttes, d’objets de cultes et de puits de stockage. Pas mal pour un village vieux de 6000 ans.
Pour la petite anecdote, saviez-vous que des aventuriers normands avaient conquis cette fameuse forteresse en 1081 sous l’égide de Guiscard le Rusé ? Et ils y sont resté 7 ans !
Le dernier monument essentiel de la ville, et sans doute le plus symbolique, est le Pont de pierre qui relie le Nord et le Sud de la ville : l’un majoritairement albanais et musulman, l’autre macédonien et orthodoxe. Le pont dépeint donc le lien entre les deux communautés cohabitant en Macédoine. Une belle image certes mais qui ne représente malheureusement pas encore la réalité politique du pays.
En résumé, Skopje est une ville complexe, qui reflète bien les richesses mais également les problèmes et les dissensions de la Macédoine. Une ville où il fait bon se promener cela dit, et où les touristes peuvent facilement trouver leur bonheur !
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