Quitter Tirana est un soulagement. J’ai à peine survécu à ma brève incursion dans la ville, au sens propre comme au figuré, compte tenu du nombre de voitures qui ont failli m’écraser. A présent, je retrouve avec joie les montagnes et les beaux paysages de l’est de l’Albanie, alors que le bus traverse les montagnes.
Premier arrêt à la frontière : nous sommes stoppés à la douane. J’ignore si c’est une expérience fréquente mais notre bus est envoyé dans un hangar pour être inspecté. Tous les passagers doivent descendre et sortir les sacs, qui sont ouverts un par un. Pendant ce temps, des policiers observent le bus sous tous les angles. Recherchent-ils quelque chose ou quelqu’un de particulier ? Impossible de savoir, ils parlent tous en macédonien. La fouille est longue et assez stressante, mais on finit par nous laisser repartir sans incident supplémentaire. Enfin, me voilà en Macédoine, pays d’Alexandre le Grand !
Une autre petite pause à Struga, le terminus du bus. Je prends un taxi avec un groupe d’Américains pour atteindre Ohrid (prononcer Okrid), ma destination du jour. Il est prévu que j’y passe l’après-midi mais la ville est si belle que je décide d’y rester 24h de plus. Je dépose mes affaires à l’auberge où je rencontre deux autres voyageurs anglais, dont un de Manchester, et qui connaît bien Derby. Quelle coïncidence ! Ensemble, nous partons à la découverte du centre-ville.
Bien que relativement petite avec ses quelques 40 000 habitants, Ohrid est la capitale touristique du pays. Il y règne un air de paradis ; si je pouvais retourner dans un des lieux que j’ai visité pendant ce voyage, ce serait ici, sans hésitation. Malgré quelques rues ouvertement touristiques saturées de magasins, la ville est très mignonne et le lac qu’elle borde est sublime. Nous nous rendons d’abord au château qui domine une petite colline. C’est la Forteresse de Samuel, probablement construite au Vème siècle puis remaniée au Xème siècle par Samuel Ier, Tsar de Bulgarie. S’il n’en reste pas grand chose aujourd’hui, on peut encore parcourir les remparts de 15m de haut, le long des 18 tours qui les segmentent.
Au pied de la forteresse se tient l’amphithéatre de Lychnidos, vieux de 2000 ans ! Comme beaucoup de théâtres romains en bon état, il sert encore lors de festivals.
En effet, Ohrid n’est pas connu que pour son décor de carte postale. On peut retracer sa riche histoire à l’Antiquité Grecque (logique pour une ville de Macédoine !), où elle était une étape importante entre les rives de l’Adriatique et de la mer Égée. Un tremblement de terre finit par la détruire et ce sont les Slaves qui la redécouvre et s’y installent au VIIème siècle. Deux moines disciples de Cyrille et Méthode s’y installent et y fondent deux monastères ainsi que la première université slave au monde. Ils seront notamment à l’origine de l’invention et de la propagation de l’alphabet cyrillique ! Leur université formera 3 500 prêtres et professeurs, et se maintiendra jusqu’en 1767.
En 969, quand les Bulgares se rebellent contre l’Empire Byzantin, Ohrid devient le centre de la rébellion. Après leur victoire, la ville devient la capitale du nouvel Etat Bulgare, qui couvre quasiment tous les Balkans actuels. Cette situation avantageuse ne dure cependant pas très longtemps car les Byzantins reprennent contrôle d’Ohrid et la détruisent en 1015, ne laissant qu’un archevêché derrière eux. S’ensuivent plusieurs guerres et Ohrid passe d’un empire à l’autre, jusqu’à l’arrivée des Turcs à la fin du XIVème. La ville se rétablit puis expérimente un développement important au XIXème : elle se trouve de nouveau aux premières loges de la ‘reconquête macédonienne’ que de nombreux auteurs locaux nationalistes mènent.
La lutte, à la fois intellectuelle et guerrière, dure jusqu’en 1929, quand le Royaume de Yougoslavie se forme. Enfin, après la Seconde Guerre Mondiale, la Macédoine gagne son indépendance politique et religieuse, Ohrid devenant par là-même le siège de l’Eglise ortodoxe macédonienne. Bref, une histoire riche en rebondissements ! D’où une vieille ville assez atypique dont je parlerai dans le prochain article…
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